Pour bien appréhender les besoins alimentaires de votre chien, il est essentiel d'avoir quelques notions d'anatomie et de physiologie canine.

« Suivant la classification zoologique et par sa dentition, la conformation et le fonctionnement de son appareil digestif, le chien est un carnivore. 1»

Il ne faut donc pas confondre l'évolution comportementale d'une espèce et son évolution physiologique. Malgré une idée couramment émise et admise, la physiologie du chien n'a rien de commun avec celle d'un omnivore. Observez la mâchoire de votre chien et comparez-là à la vôtre : la mâchoire d'un chien n'est pas celle d'un omnivore mais bien celle d'un carnivore. Le chien - hormis certains sujets de race naine victimes d'une anomalie génétique - possède 42 dents (contre 32 chez l'être humain), réparties comme suit : 12 incisives (les pinces, les mitoyennes et les coins) - 6 à la mâchoire supérieure, 6 à la mâchoire inférieure - 4 canines (les crocs) - 2 à la mâchoire supérieure, 2 à la mâchoire inférieure - et 26 prémolaires et molaires (pré carnassières, carnassières et tuberculeuses) - 12 à la mâchoire supérieure, 14 à la mâchoire inférieure. Chaque sorte  de dents a une fonction bien précise. Contrairement au rôle de « coupeuses » que jouent les incisives chez l'être humain (quand on mord dans une pomme, ce sont elles qui nous servent à couper le morceau du fruit), celles du chien ont pour fonction première de pincer : ce pincement permet entre autre le mordillement - pour apaiser une démangeaison ou rabrouer un congénère sans le blesser - et le dépeçage d'une proie. Les canines, atrophiées chez l'être humain, absentes chez la plupart des herbivores et très développées chez les carnivores, font office d'outils de préhension. Avec les griffes (non rétractiles chez les canidés), elles servent à retenir et à immobiliser la proie au moment de la capture, puis à percer les chairs. Les prémolaires ont pour fonction de cisailler les tissus. Quant aux molaires, en particulier les puissantes carnassières, elles broient les chairs et les os une fois la proie abattue, afin de pouvoir faire descendre la pitance le long du gosier vers l'estomac, où la digestion commence. Contrairement à une idée reçue, le chien est incapable de « mâcher » au sens propre du terme (écraser les aliments) : ses molaires sont en forme de crêtes et ne possèdent pas de surface plate, contrairement à celle d'un être humain, d'un ours ou d'un cheval. Lorsqu'il mastique un aliment ou un objet, il le détruit donc sans l'aplanir.


              

Dans l'histoire de l'évolution, la domestication du chien est récente, puisqu'elle remonte à une douzaine de millénaires à peine. Le chien a gardé de son passé de bête sauvage un estomac très volumineux, capable d'absorber d'importantes quantités de nourriture en prévision d'un jeûne prolongé, quand le gibier venait à manquer. L'estomac du chien contient des sucs digestifs extrêmement puissants appelés acide chlorhydrique et pepsine, ainsi que du mucus. Son milieu gastrique est particulièrement acide (PH moyen égal à 1 pour un chien adulte en phase de digestion). Les mouvements péristaltiques de l'estomac permettent le brassage des aliments avec les enzymes et le suc digestif. Pendant cette opération, le mucus qui tapisse l'estomac en protège les parois, évitant que ce dernier ne soit digéré par ses propres enzymes et limitant les risques de blessures liés à l'ingestion d'éléments durs ou pointus, comme les os. Devenu moins résistant que celui de ses cousins sauvages, l'estomac du chien domestique ne digère plus les charognes. Il les consomme pourtant volontiers si elles se trouvent sur son chemin au cours d'une balade. Ce comportement instinctif - qu'il convient de contrarier pour la santé de votre animal - est tout à fait normal dans la mesure où le chien, malgré son étroite intimité avec l'espèce humaine, est biologiquement resté un carnivore. Pour preuve, la courte longueur de ses intestins, qui s'explique par le rôle prépondérant de l'estomac des carnassiers dans le processus de digestion. Les intestins d'un chien mesurent environ 6m, contre 10m chez l'être humain et 20 à 30 m chez les ruminants. Il est donc évident que le régime alimentaire de chacun de ces animaux doit être adapté à cette particularité biologique.



Le processus de digestion implique la mise en œuvre des enzymes digestives, qui vont assurer la décomposition des nutriments en vue de leur exploitation par l’organisme. Parmi ces enzymes digestives, on trouve les protéases (dégradation des protéines), les lipases (dégradation des graisses ou lipides), les amylases (dégradation des hydrates de carbone ou glucides) et les cellulases (dégradation de la cellulose). Bien qu’elles fonctionnent souvent de concert, les enzymes digestives sont à distinguer des enzymes métaboliques, qui assurent l’intégrité et le fonctionnement des cellules du corps.


A la différence de la salive de l'homme, celle du chien contient du mucus - substance visqueuse qui protège le pharynx lors de la descente des aliments vers l'œsophage - mais est dépourvu d'amylase (enzyme participant à la dégradation des hydrates de carbones ou glucides en énergie métabolisable) et de cellulase (enzyme participant à la dégradation des particules de cellulose contenues dans les végétaux crus). Chez l’homme, l’amylase salivaire permet d’amorcer le travail de digestion, facilitant ainsi la tâche des organes digestifs (pancréas, estomac, intestins). Chez le chien, l’absence d’amylase salivaire est directement compensée par la production de cette enzyme au niveau pancréatique. Cela signifie que plus sa consommation d’hydrates de carbone (sucre) est élevée, plus son pancréas est sollicité. Or, les hydrates de carbone sont présents dans de très nombreux ingrédients de consommation courante (céréales, tubercules, carotte, betterave, fromage blanc, mélasse etc.).


les pommes de terre : tubercules riches en sucres
source : http://flicker.com, auteur : chiot's run

Parmi les glucides contenus dans l’alimentation, les plus exigeants au niveau enzymatique sont les glucides complexes (polysaccharides), présents en grande quantité dans les féculents. Bien qu’une cuisson prolongée à plus de 100° améliore considérablement leur digestibilité en « déstructurant » les molécules des glucides, elle ne dispense jamais totalement le pancréas de sa surproduction enzymatique. On peut affirmer en conséquence que le système digestif du chien est parfaitement en mesure d’exploiter une petite quantité d’hydrates de carbone traités par la cuisson – qui participeront par ailleurs au maintien de sa propre réserve énergétique de sucre (glycogène) dans le foie et les muscles - mais n’est pas adapté à l’absorption des hydrates de carbone en masse. Lorsque le chien ingère des hydrates de carbone non transformés ou lorsqu’il ingère des hydrates de carbone – même transformés par la cuisson – en quantité excessive, l’ensemble de son processus digestif se trouve ralenti. Ce ralentissement entraîne la stagnation des aliments au niveau de l'estomac, puis de l'intestin grêle, où les aliments vont fermenter de longues heures, ce dernier n'étant pas en capacité de les absorber correctement. Ces résidus alimentaires non absorbés pénètrent alors dans le gros intestin (côlon), où une flore microbienne très abondante les dégrade sous forme de gaz, qui seront évacués. Les conséquences pathologiques les plus fréquentes d’un excès de glucides et en particulier de glucides complexes (amidon essentiellement) sont, sur un court terme, un syndrome de malabsorption se manifestant par des troubles du transit (flatulences et diarrhées) ; et à plus long terme, l'apparition possible de pancréatites (inflammations du pancréas) et d'insuffisances pancréatiques (cf. les travaux du Dr Howell dans Alimentation Commerciale, Sécurité sanitaire).


L'ingestion d'herbes et de légumes crus entiers provoque les vomissements du chien. La raison en est simple : les légumes crus contiennent de la cellulose (improprement assimilée à un glucide complexe), que le chien n'est pas en mesure de digérer, car son organisme ne produit pas d'enzyme capable de les dégrader. Pour qu'un chien digère ces végétaux, les parois de cellulose qu'ils contiennent doivent être brisées avant ingestion. Deux procédés permettent d'arriver à ce résultat : la cuisson, ou le mixage des végétaux. Chez les chiens sauvages et les loups, c'est le second procédé qui permet au canidé de digérer la petite quantité de végétaux entrant dans son régime alimentaire. Le canidé, une fois sa proie abattue, commence par dévorer ses organes digestifs, en commençant par l'estomac. Viennent ensuite les intestins, le foie et les autres organes. Lorsque la proie a absorbé des végétaux quelques heures auparavant, ces derniers ont été broyés et mélangés dans l'estomac pour former une sorte de purée appelée chyme. C'est cette purée qu'absorbe alors le carnivore sauvage. Dans les aliments préfabriqués pour carnivores domestiques et les rations ménagères traditionnelles, c’est la cuisson des végétaux qui les rend accessible au système digestif du chien.


ration ménagère
source : http://flickr.com/, auteur : bogart handsome devil


« Mais si le chien est un carnivore, pourquoi ne le nourrit-on pas comme un loup ? » D’un point de vue strictement physiologique, il est probable que le chien pourrait être nourri comme un loup, avec des proies animales entières et sans complément végétal, qu’il s’agisse de céréales, de fruits ou de légumes. De récents travaux génétiques nous ont même apporté la preuve définitive que chien et loup appartenaient bien à la même espèce. Le chien, longtemps baptisé du nom scientifique de Canis Familiaris, est depuis peu considéré par les biologistes comme une sous-espèce du loup (Canis Lupus), ce qui lui a valu d’être dernièrement reclassifié en tant que Canis Lupus Familiaris.


                        

Preuve de leur compatibilité génétique, chien et loup peuvent se reproduire entre eux sans aucun problème et donner une descendance féconde. Ces unions ont donné naissance à plusieurs races de chien (chien-loup de Saarlos, chien-loup tchèque, chien-loup d'Italie), dont certaines sont d'ores et déjà reconnues par la Fédération Canine Internationale. L’alimentation de ces hybrides ne pose pas de problème particulier, car le système digestif de tous les canidés est identique. Malgré ça, il nous faut tenir compte d’une donnée fondamentale qu’on appelle le « comportement alimentaire ». Le chien domestique est nourri par l’homme depuis environ douze millénaires. Si la structure de son appareil digestif est strictement semblable à celle du loup, ses capacités digestives, elles, ont évolué en relation avec ses habitudes alimentaires. Depuis sa domestication, le chien reçoit une alimentation relativement « aseptisée » et variée, à l’image de celle de l’homme. Son organisme s’est donc progressivement adapté à un régime moins riche en protéines animales que celui de ses cousins sauvage.


L’observation des habitudes alimentaires des dingos d’Australie – race de chiens sauvages autochtones issue de chiens domestiques retournés à l'état sauvage il y a environ 3000 ans – nous incite à penser que chiens et loups ont effectivement des besoins nutritionnels légèrement différents. Si le dingo est un redoutable prédateur, qui attaque les troupeaux de moutons des aborigènes, chasse le Wallabi et divers petits mammifères australiens, il consomme aussi des charognes, des insectes, des baies et divers végétaux. Le dingo est en fait un carnivore opportuniste : bien qu'il se nourrisse essentiellement de viande, son régime alimentaire est varié. Capturé chiot, il s'élève et s'éduque comme n'importe quel chien domestique. Les aborigènes l'utilisent alors comme auxiliaire de chasse et le nourrissent avec les reliefs de la chasse et de leurs repas.

                                           
                                                                dingo d'australie
                                        source : http://flickr.com, auteur : sam fraser-smith

Bien que les avis ne soient pas unanimes sur ce point (cf. alimentation naturelle dans le chapitre « Alimentation Ménagère »), on considère donc en général que le chien moderne est devenu un carnivore « non strict », contrairement au chat ou au loup, qui sont restés des carnivores « stricts ». Cela signifie qu'à la base carnée du régime d'un chien devrait s'ajouter un éventail d'autres éléments, qui constituent souvent une aide à la digestion (comme on l'a vu, le système digestif d'un chien domestique n'est plus aussi résistant que celui de ses cousins sauvages) plutôt qu'un réel apport nutritionnel. Le Merck Veterinary Manual éditions 2008 affirme ainsi que le chien appartient à l'ordre des Carnivores mais le définit comme un carnivore « à tendances omnivores ».

 

 


1 Le Boxer, par le Boxer-Club de France, Crépin-Leblond et cie éditeurs, 1956

 




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